Aide Multicritère à la Décision
La recherche opérationnelle est une discipline héritée des travaux et méthodes d’optimisation des opérations militaires pendant la seconde guerre mondiale. Dans l’immédiat après-guerre, les méthodes trouvèrent application dans le monde de l’entreprise et dans l’industrie. Essentiellement, elles postulent, à cette époque, qu’il est possible de trouver une solution optimale dans de très nombreux problèmes décisionnels et que l’optimisation peut être réalisée sur la base d’approches essentiellement monocritère. Au cours des années 1960, Bernard Roy, mathématicien et directeur scientifique à la SEMA METRA introduit l’idée que l’optimisation sur la base d’un critère unique n’a pas toujours de sens. Il développe, à partir de cette époque, une approche beaucoup plus prudente de l’aide à la décision à travers, notamment, les méthodes ELECTRE. Ces méthodes proposent la prise en compte d’une famille de critères et non d’un critère unique. Elles n’ont pas pour objet de trouver, dans un problème de décision, l’alternative optimale. Elles mettent en évidence des sous ensembles d’alternatives qu’une majorité de critères classeraient en bonne position si il était possible de les faire « voter » et pour lesquels la minorité « discordante » des critères n’exprimerait pas de trop forte opposition.
Avis de l’Observatoire : l’aide multicritère à la décision ne propose pas qu’un ensemble de ruptures techniques et méthodologiques. Elle a clairement contribué à l’élaboration des prémices d’un paradigme à trois piliers : la prise en compte de critères multiples pour l’aide à la décision, la préférence pour des solutions raisonnables et robustes plutôt que rationnelles et enfin, une conception de la relation d’aide, dans l’aide à la décision, fondée sur la recherche d’une cohérence avec des valeurs plutôt que sur la recherche d’optimum. Dans cet univers paradigmatique, il est introduit l’évaluation qualitative et des notions en rupture avec la recherche opérationnelle des années 60 et 70 : l’inexact, l’imprécis, l’ambigu. Enfin, une autre rupture est d’ordre épistémologique. L’aide multicritère à la décision s’appuie sur une conception de la science qui est constructiviste : la démarche scientifique est fondée sur une coopération avec les acteurs du réel et il résulte de ces interactions la construction de modèles, qui ne sont pas des descriptions de la réalité, mais plutôt des vecteurs de communication dans un projet de transformation.