Firmes décentralisées
L’avènement des firmes multidivisionnelles dans la première moitié du XXème siècle, aux Etats-Unis, constitue le contexte d’émergence de la décentralisation avec contrôle coordonné, ou modèle Sloan-Brown (d’après Henri Bouquin, des noms de Alfred Pritchard Sloan Jr., dirigeant de General Motors de 1923 à 1956 et de Donaldson Brown, Directeur financier de Dupont de Nemour, puis de General Motors à partir de 1921). Dans son célèbre ouvrage Strategy And Structure (1962), l’historien des organisations Alfred Chandler étudie notamment les entreprises Dupont et General Motors qu’il considère comme pionnières dans l’adoption d’une nouvelle forme de management. Ces grandes entreprises, selon Chandler, y ont été contraintes par les changements profonds qu’elles ont vécus durant les années 1920. On peut notamment citer les bouleversements de l’économie américaine, la stratégie d’expansion/diversification de ces entreprises impactant leur taille et la dispersion géographique de leurs unités. L’apport managérial de Donaldson Brown et de Alfred Sloan est principalement la généralisation d’une logique d'encadrement des engagements des dirigeants de divisions. Ces firmes sont alors organisées en divisions, chacune étant dirigée par un responsable auquel des moyens et une large autonomie sont confiées (principe de délégation). En contrepartie de cette autonomisation, des systèmes de contrôle seront déployés de manière systématique et standardisés au niveau des divisions, pour permettre leur comparaison et la consolidation des données au niveau groupe, ainsi que la responsabilisation des acteurs. Les principales mesures portent sur la centralisation des trésoreries par la direction financière, la réduction des stocks, et divers systèmes de reporting principalement focalisés sur des données de nature comptables et financières. L’un des outils de reporting les plus marquants est certainement le calcul du Return On Investment, systématisé par Brown, qui devient l’indicateur phare permettant de contrôler et comparer la performance des divisions.
Avis de l’Observatoire : en établissant un lien entre la stratégie, la structure et le contrôle, ce modèle constitue l’un des fondements du contrôle de gestion « moderne » et plus largement du management au XXème siècle. Il est aujourd’hui toujours en vigueur au sein de grandes organisations décentralisées ayant une problématique de contrôle de leurs centres de profit. Par l’uniformisation des éléments d’évaluation des divisions, le modèle met en œuvre le principe gigogne des indicateurs : plus on remonte dans la pyramide de la hiérarchie des divisions, plus on peut calculer des indicateurs globaux. Ce principe est par exemple réutilisé dans la logique des tableaux de bord de gestion. Enfin, ce modèle préfigure des notions comme celles de centre de responsabilité et de direction/gestion par objectifs.