Du concept d'implication dans le champ du comportement organisationnel
Au tournant des années 90, le professeur John P Meyer de l’Université Western Ontario à London au Canada encadre sa première doctorante Nathalie J Allen. Ensemble, ils vont réaliser un travail monumental de synthèse et de théorisation de la relation qu’entretient le salarié avec une cible, autrement dit de l’implication. Cette cible est, au début de leurs travaux au moins, restreinte à l’organisation. Le principe explicatif proposé pose que trois registres motivationnels expliquent l’implication : a) le registre « affectif » selon lequel le salarié s’implique parce qu’il le veut, c’est-à-dire parce qu’il se reconnait dans les buts et valeurs de la cible ; b) le registre « normatif » selon lequel le salarié s’implique parce qu’il le doit, c’est-à-dire parce qu’il ressent un impératif moral ou qu’il estime avoir une dette morale à l’égard de la cible ; c) le registre « calculé » selon lequel le salarié s’implique parce qu’il y a intérêt, c’est-à-dire parce qu’il n’entrevoit pas d’alternative à cette relation ou parce qu’il pense avoir trop à perdre en cas de rupture. Peu à peu, ce principe explicatif est étendu au travail en tant que valeur, au poste de travail, à la carrière personnelle, au syndicat puis plus récemment à d’autres cibles telles que le manager, le changement, l’équipe de travail, etc.
Avis de l’Observatoire : Le concept d’implication fait partie des piliers du champ du comportement organisationnel (OB) depuis ces travaux. La théorie « tridimensionnelle » a été reprise un nombre considérable de fois dans les études scientifiques car ses fondateurs ont su lui donner un caractère immédiatement opérationnel en proposant une échelle de mesure. Tout autour du monde, ce modèle a été testé. Les conséquences de l’implication ont grâce à cela pu être identifiées statistiquement. Pour ce qui concerne l’organisation, elles concernent en priorité la fidélité, l’intention de retrait, les comportements de citoyenneté organisationnelle et la santé des salariés. L’utilisation de l’échelle de mesure a également permis d’identifier les antécédents de l’implication organisationnelle et d’influencer les pratiques managériales. Si les caractéristiques personnelles semblent finalement avoir peu d’effet, il en va tout autrement des expériences de travail, des investissements personnels et organisationnels, et des pratiques de socialisation. Les travaux récents s’orientent vers l’analyse des effets d’interaction entre les trois registres (approche dite en profils), vers l’identification des conséquences de l’implication dans plusieurs cibles à la fois et vers l’étude des salariés vivant des carrières nomades : salariés en contrat courts, changeant fréquemment d’employeurs ou de postes de travail.