Pouvoir, autorité et bureaucratie
Les organisations sont des univers réglés (formellement ou non) ; ce sont des espaces d’interactions sociales ; des lieux de négociations ; ce sont en résumé, des univers de pouvoir et d’autorité. La distinction entre autorité et pouvoir est classique et s’appuie chez M. Weber sur la notion de légitimité. La légitimité qualifie une domination, celle-ci étant définie par le sociologue comme étant « la chance, pour des ordres spécifiques (ou pour tous les autres), de trouver obéissance de la part d'un groupe déterminé d'individus » (Weber, 1922). Cette « docilité » à l'obéissance trouve chez Weber plusieurs motifs mais parmi ces motifs, la légitimité est celui qui constitue sans contexte le plus décisif. Il y a pour Weber trois types de domination légitime:
La domination à caractère rationnel (1)
La domination à caractère traditionnel (2)
La domination à caractère charismatique (3)
(1) Weber indique qu'il s'agit de la croyance en la légalité des règlements arrêtés et du droit de donner des directives qu'ont ceux qui sont appelés à exercer la domination par ces moyens. Cette domination légitime s'appuie sur la fixation par la loi impersonnelle générale et écrite de l'activité de chacun, des compétences de chacun (le domaine de devoirs, les pouvoirs de commandement qui vont avec, la délimitation précise des moyens de coercition), le principe de hiérarchie administrative, les règles (techniques mais également les normes de comportement). C'est en particulier dans « l'organisation bureaucratique pure » que l'on trouve cette domination légitime sous sa forme pure.
(2) La domination est qualifiée de traditionnelle par Weber « lorsque sa justification s'appuie -et qu'elle est ainsi admise-, sur le caractère sacré de dispositions transmises par le temps ("existant depuis toujours") et des pouvoirs du chef ». Ce type de domination a donc le temps pour fondement. Sont en effet légitimées les dominations qui au fil du temps se sont transformées tacitement en normes sociales collectivement acceptées et non remises en cause.
(3) Le charisme est le fondement du troisième type de domination légitime. Weber appelle charisme « la qualité extraordinaire ( à l'origine déterminée de façon magique tant chez les prophètes et les sages, thérapeutes et juristes, que chez les chefs des peuples chasseurs et les héros guerriers) d'un personnage, qui est, pour ainsi dire doté de forces ou de caractères surnaturels ou surhumains ou tout au moins en dehors de la vie quotidienne, inaccessibles au commun des mortels ou encore qui est considéré comme envoyé par Dieu ou comme un exemple, et en conséquence considéré comme un chef. ». La domination charismatique est très profondément forte puisque pour Weber, elle correspond presque chez le dominé à un abandon de soi et devient avec le temps une habitude et un devoir, une norme que nulle autre norme supérieure n’est susceptible de remettre en cause. La domination légitime charismatique est ainsi une forme extrême de légitimation qui trouve néanmoins ses limites dans le fait qu’elle est plus intrinsèquement liée à la personne et moins à un système, ce qui empêche d’une certaine façon la reproduction des normes sociales correspondantes.
Avis de l’Observatoire : les travaux de Weber ont, en grande partie, porté sur l’étude des systèmes d’autorité. Il en a observé plusieurs et a bâti un idéaltype qu’il a appelé « bureaucratie ». Le terme n’est pas connoté négativement, bien au contraire. Il désigne une forme d’organisation supérieure et, selon Weber, parfaitement adaptée aux enjeux du monde capitaliste moderne. L’autorité rationnelle légale s’appuie sur un système de règles générales, impersonnelles et écrites qui prémunissent des pratiques népotiques et autres formes de favoritisme. La gestion de l’organisation est rationalisée et elle est fondée en grande partie sur l’ordre et la discipline. En un sens, la vision proposée par Weber est très datée et en même temps elle propose des ruptures très importantes quand on la replace dans son contexte historique.